Orizonte : Pour commencer, pourriez-vous nous raconter l’histoire de la savonnerie du Nebbiu ?
Lucie : L’aventure a débuté en 2006, portée par ma mère. Elle souhaitait se reconvertir, délaissant l’horticulture pour se rapprocher des parfums, des plantes et de leurs essences. Face à l’essor constant de la savonnerie depuis ses débuts, mon père l’a rejointe en 2014. Il a développé la gamme de savons liquides, venant compléter l’offre initiale de savons solides, qui étaient alors vendus dans une petite boutique avec un atelier attenant. Puis, en 2019, mon frère et moi avons également intégré l’entreprise.
O : Et où en êtes-vous aujourd’hui ?
L : En 2025, nous sommes désormais sept personnes travaillant sur le site de Patrimonio, en fabrication, commerce et expédition. Deux autres employés sont basés à notre boutique de Lucciana. Au total, l’entité compte donc neuf collaborateurs.
O : Vous êtes donc passés d’une entreprise familiale à une structure plus importante…
L : Effectivement, nous évoluons vers une petite PME, tout en conservant une fabrication locale et un approvisionnement éco-responsable. L’ADN de la savonnerie est resté intact ; nous avons simplement eu besoin de davantage de collaborateurs pour assurer un fonctionnement optimal.
O : Qu’est-ce qui rend les savons de la savonnerie du Nebbiu uniques par rapport à d’autres savons, qu’ils soient artisanaux ou industriels ?
L : Notre principal différenciateur, face aux savons industriels, réside dans notre méthode de saponification à froid. Ce procédé de fabrication préserve les acides gras essentiels des huiles végétales et garantit un savon très glycériné. Contrairement aux savons industriels ou même à certains savons de Marseille, la saponification à froid, bien que lente, quelques heures de fabrication mais quatre à six semaines de séchage est essentielle pour conserver la glycérine. C’est elle qui confère au savon ses propriétés hydratantes exceptionnelles. Nous privilégions également un sourcing local pour nos matières premières, avec l’utilisation de lait de brebis ou de chèvre provenant de la micro-région, ainsi que de l’huile d’olive corse. Lorsque certaines ressources ne sont pas disponibles localement, nous élargissons notre recherche à la France, puis à l’Europe. Pour les huiles essentielles et certaines fleurs sauvages que nous utilisons, nous privilégions systématiquement les producteurs locaux.
O : Avez-vous des gammes de savons spécifiques ?
L : Notre gamme principale, «le savon de tous les jours», propose des savons colorés et parfumés, avec ou sans huiles essentielles, disponibles en versions liquide et solide, avec les mêmes senteurs et couleurs. Pour les peaux les plus fragiles, nous avons développé trois savons à base de lait : lait de chèvre, lait d’ânesse et lait de brebis, déclinés en versions liquide et solide pour certains. Le savon au lait de chèvre, exclusivement en solide, est particulièrement adapté aux bébés, aux femmes enceintes et aux peaux à problèmes, comme l’eczéma, le psoriasis ou les peaux atopiques.
O : Ces processus de fabrication restent-ils traditionnels ou l’entreprise a-t-elle évolué vers des méthodes plus innovantes ?
L : La savonnerie se développe et nous nous équipons, mais la fabrication du savon reste fondamentalement artisanale. Nous n’utilisons pas de bras mécaniques ; nos bras sont notre principal outil ! Le processus, qui prend en compte les quatre semaines de séchage, demeure artisanal. Il n’existe pas de séchoirs professionnels permettant d’accélérer le processus. Notre rendement n’augmente pas malgré le développement des marchés, car nous restons fidèles au rythme de l’artisanat, qui ne peut être accéléré.
O : Justement, dans quelle mesure l’aspect artisanal est-il important pour la savonnerie du Nebbiu ?
L : C’est notre priorité absolue. Bien sûr, nous atteindrons peut-être un jour un plafond de verre en termes de production, mais l’artisanat reste au cœur de nos préoccupations. Nous nous refusons catégoriquement à céder à la facilité en délocalisant notre production ou en utilisant des bases de savons préfabriquées que nous pourrions simplement parfumer, par exemple, pour gagner du temps et augmenter nos marges. Ce n’est absolument pas notre ADN. Nous préférerions arrêter notre activité plutôt que de renoncer à nos valeurs artisanales. L’artisanat est au cœur de notre vie et de notre travail.
A sapuneria di u Nebbiu, nata da una ricunversione familiale in u 2006, hè oghje una piccula PMI corsa chì valurizeghja l’artisgianatu è l’eculugia. U so sapone, unicu grazia à a sapunificazione à fretu chì priserva a glicirina è idrata a pelle, s’assignaleghja ancu per i so ingredienti lucali: latte di pecura, capra, ogliu d’aliva corsu è fiori di murza. Cù una gamma variata, da u sapone d’ogni ghjornu à i trattamenti per pelle sensibile, l’impresa ferma arradicata à metudi di fabricazione tradiziunali è ricusa a facilità à u detrimentu di l’artisgianatu, una valore primurdiale.
Testu : Florian Sauvaget