29 mars 2024

Vache Tigre

A sainata

En entendant le nom de vache tigre, notre esprit serait tenté d’imaginer le rugissement terrible d’une bête effrayante tout droit issue de la préhistoire. Or, il n’en est rien… ou presque.

En réalité, la « sainata » (var. saïnata en français) serai bel et bien la descendante d’une race de vache préhistorique qui peuplait autrefois le pourtour méditerranéen. Comme le supposent les peintures rupestres de Tassili1, en Algérie actuelle, représentant des « taurins à robe bringée ».

Ce pelage fauve se retrouve jusqu’à la Normandie, mais se serait maintenu davantage en Corse et en Sardaigne grâce à un moindre mouvement de cheptel sur ces deux îles que sur le continent. Il est possible qu’elle soit un dérivé de la « brune de l’Atlas » mais en l’absence d’études génétiques, il vaut mieux rester prudent quant à cette conclusion. Fait intéressant, les veaux naissent rouges, ce n’est qu’à partir de trois mois que leurs rayures commencent à apparaître.

Un’indiatura

C’est en s’inspirant de ce qui a été fait pour sauvegarder et faire reconnaitre le Cursinu2 que Jacques Abbatucci a entrepris de sélectionner uniquement les vaches portant ces traits caractéristiques. Il n’hésite pas à sillonner la Corse pour se les procurer, leur donnant le nom de leur provenance : Vico, Lava, etc.

Possédant aujourd’hui 300 bêtes évoluant sur près de 600ha de terrains situés entre bord de mer et maquis dans la plaine du Taravu. Il tient à ce que son exploitation soit la plus autosuffisante possible, ce qui devrait être pour lui « le bon sens paysan ». Ces bêtes rustiques, vivent dehors toute l’année en se nourrissant de la végétation qu’elles rencontrent au fil des saisons, ce qui fait évoluer leur goût. Leur alimentation est complétée d’herbes et d’orge produits sur l’exploitation en n’utilisant ni pesticides, ni désherbant, ni engrais chimique. Dans le souci constant d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement.

Conscient de la symbiose naturelle et de son équilibre fragile à préserver, Jacques va jusqu’à entretenir les canaux environnants afin de favoriser le retour des canards qui consomment les escargots responsables de la propagation de la douve du foie, protégeant ainsi ses propres bêtes.

Pour lui, la solution viendra du monde paysan, soucieux de défendre un territoire et de transmettre quelque chose aux générations futures. À l’image de nos ancêtres qui ont autrefois planté les châtaigniers multiséculaires dont nous profitons aujourd’hui sans en avoir profité eux-mêmes un seul instant. C’est à long terme qu’il faut penser, pour nos enfants et petits-enfants…

Una dinamica familiale

Il y a des familles qui s’inscrivent durablement dans l’Histoire, c’est le cas des Abbatucci de Zicavu et de leur lignée de plus de 500 ans ! Ayant donné des généraux à la révolution française, leur patronyme est même inscrit sur l’Arc de Triomphe, mais ce n’est pas le sujet de notre article…

Retenons, que les frères Abbatucci sont héritiers d’un patrimoine très ancien auquel ils sont viscéralement attachés et que la synergie n’est pas pour eux un vain mot.

Nous connaissons déjà l’aîné, Jacques, qui est notre éleveur de vaches tigres et qui fournit donc la viande à l’entreprise familiale.

Le cadet, Jean-Charles est viticulteur. Il cultive le carcajolo nero greffé sur des vieux pieds de niellucciu en biodynamie. L’avantage est de pouvoir changer de cépage tout en conservant l’âge de la vigne et donc ses racines profondes. La protégeant ainsi du stress hydrique, tant et si bien qu’il n’est même pas nécessaire de l’arroser ! Ce qui participe à donner son caractère au vin.

Enfin, le benjamin, Henri est restaurateur. Il s’attèle à sublimer les produits de ses frères par l’accord mets et vins, ce qui est pour lui un art et une responsabilité.

Bien que chacune de leur entreprise soit indépendante, elles agissent de concert, partageant bien souvent jusqu’à leurs clients à qui ils proposent bien plus que des produits, mais l’expertise de leur association.

1. Archives ouvertes de HAL sciences : « Les robes des taurins dans les peintures de la Tassili-n-Ajjer (Algérie) : polymorphisme ou fantaisies ? » de Christian Dupuy et Bernard Denis.

2. Cursinu : race de chien Corse qui possède également une robe bringée et que nous partageons aussi avec la Sardaigne où il est appelé « dogo Sardo. »

Ispirendusi di ciò chì hè statu fattu per u cursinu, Ghjacumu Abbatucci hà fattu rinnasce a sainata. Una razza prestorica rustica, chì pascia tempi fà nantu à ogni sponde di u mediterraniu è chì i tratti si ritrovanu sempre oghje ghjornu in Corsica è in Sardegna. Cù i so fratelli Ghjuvan Carlu (viticultore) è Henrì (resturatore) pruponenu aldilà di semplice prudutti, a maestria di l’unione cibu è vinu. Tenendu sempre in mente l’indiatura di rispittà a terra è di pinsà à longu andà, per e generazione à vene !

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