4 avril 2025

Anghjula Potentini

Ghjuvan’Federiccu Terrazzoni : Qu’est-ce qui vous a inspiré à devenir chanteuse ?

Anghjula Potentini : On pourrait peut-être dire que je n’ai jamais cherché à devenir chanteuse à proprement parler, mais que le destin a fait que je suis venue au monde avec des prédispositions et peut-être une mission à accomplir, et la vie m’a guidée sur un chemin qui était certainement le mien. Je ne l’ai pas su immédiatement, j’en ai même parfois douté, mais au fil de rencontres enrichissantes et variées, cette passion pour le chant qui courait dans mes veines s’est concrétisée au-delà du strict cercle familial, entre des passages en groupe ou solo, et ça continue encore aujourd’hui. On peut dire que j’ai eu la chance d’être passeuse de quelque chose que je ne maîtrise pas, et dont je n’ai pas de mérite, si ce n’est celui de préserver cette richesse et d’en laisser une trace, pour que tout cela se perpétue encore avec les générations à venir.

G.F.T. : Quelle est votre chanson personnelle préférée et pourquoi ?

A.P : C’est difficile à dire, mais il y en a une qui me touche particulièrement, « Lettera à Babbu Natale », que j’ai écrite suite au décès de mon oncle, et où participe mon fils de 3 ans à l’époque, qui demande l’impossible au Père Noël, ramener quelqu’un du ciel.

G.F.T. : Qu’est-ce qui vous a inspiré le dernier spectacle « Passu à passu » ?

A.P : Après 20 ans de scène et 3 albums réalisés, et à la suite d’un passage à vide où je me suis focalisée sur ma vie familiale, la scène me manquait. Suite au décès de Petru Guelfucci en 2024, j’ai initié ce projet « Passu à passu » avec de beaux concerts et résidences aux quatre coins de l’île, entourée de musiciens hors pair comme Christophe Mac Daniel ou Marc’Andria Castellani et Raphaël Pierre, qui se concrétisera par un album qui sortira probablement entre juin et septembre 2025.

G.F.T. : Comment choisissez-vous vos chansons ? Quels thèmes vous tiennent le plus à cœur ?

A.P : Je n’ai pas réellement de thème de prédilection, et ne choisis les chansons que par évidence. J’ai un peu la réputation de chanter des chansons tristes, mais je n’aime pas la musique de façon aléatoire. J’ai sans doute une façon personnelle de ressentir ça, mais j’aime ce qui me touche, ce qui me fait vibrer, et où je peux me reconnaître. Sinon, cela m’agace rapidement. Si je choisis une chanson à chanter ou bien à écouter, c’est qu’elle me plaît, qu’elle me porte, et j’essaye d’être toujours en accord avec ces ressentis.

G.F.T. : La chanson qui vous a le plus marquée ?

A.P : Je n’en ai pas une en particulier, mais il est vrai que la chanson « Lettera à Fratellu » de Ghjuliu Bernardini sur laquelle on peut dire que j’ai découvert ma voix. Ainsi que « Casa Antica » des Fratelli Vincenti, car mon père la chantait très souvent, ou les chansons de Ghjuvan’Petru Ristori, ou bien « Baretta Misgia » de Carlu Rocchi, ont eu un écho fort en moi, surtout « Casa Antica », qui pour l’anecdote, par naïveté enfantine, me donnait l’impression que les paroles avaient été écrites pour ma famille, avec l’évocation dans la chanson de la « cantina » et de la mule « Fasgiana » que nous avions aussi.

G.F.T. : Vos plus beaux souvenirs lors de votre carrière ?

A.P : Après un passage de deux ans au conservatoire de Bordeaux où, à vrai dire, j’allais plus à l’école de la vie qu’à la découverte de la musique classique, j’ai fait la rencontre du professeur Jacques Schwarz, un géant à la voix profonde qui cherchait à me faire intégrer une école de soliste d’Opéra à Marseille, mais cela ne me disait rien, et à son grand désespoir, plutôt que de passer le concours de fin d’année, j’ai quitté le conservatoire et suis rentrée en Corse pour faire une tournée dans les églises. Il m’avait dit qu’il viendrait m’écouter, mais je n’y comptais pas trop, jusqu’au jour où mon père m’appelle pour me dire qu’un professeur du conservatoire prenait le bateau pour venir m’écouter. Finalement, il est arrivé en retard, et à la fin du concert, les yeux rougis par l’émotion, il m’a dit « j’ai compris où était ta place. » Ou alors une pensée pour Marcel Cerdan Jr qui nous a quittés il y a peu, qui avait épousé une femme de Morosaglia, le village de mon mari, et qui, ayant côtoyé un certain milieu, aurait aimé que je fasse carrière sur le continent, mais cela n’était pas pour moi. Et surtout, les souvenirs inestimables des chansons partagées avec mon père où il me disait « misurati a mo figliola ».

G.F.T. : Un conseil à donner à un jeune artiste ?

A.P : Ne pas chercher à être intermittent du spectacle à tout prix et privilégier ses études, un métier pérenne, en essayant de construire un socle de vie stable en parallèle de la passion de la musique, qui devrait rester une passion, car dès l’instant où vous devez en vivre, la magie se dissipe un peu et c’est bien dommage, allora cantate, sunate, ghjucate, ma fate di manera chì a mùsica sìa sempre una passione è mai un capatoghju.

Cù a so voci naturali è a so spùtichezza, Anghjula Potentini hà sapiutu tramandà di leva in purleva quiss’ambiu paisanu di u cantu è di a manera d’essa arradicata à u so locu, v’eccu unu strattu d’una discursata insembu.

Testu : Ghjuvan’Federiccu Terrazzoni

By Categories: Art'in chjocca