Sophie Olmiccia : Comment est née cette passion pour la peinture ?
Maa Subrini : Je n’ai pas du tout grandi dans un milieu artistique. J’ai passé mon enfance entre Porto et Paris, dans ma famille je suis vraiment la seule à avoir cette fibre artistique.
Je peins depuis l’enfance. J’ai eu une autre carrière mais en parallèle j’ai toujours assouvi ma passion. C’est plutôt un besoin qu’une envie, dès que je ressens le besoin de dire quelque chose, de m’exprimer. Cela se fait de manière instinctive.
S.O. : Qu’est-ce qui vous inspire ?
M.S. : Je me laisse souvent porter par mon imagination en fonction des émotions du moment. Il y en a qui écrivent, moi je peins.
Mais il est vrai que la Corse m’inspire beaucoup. J’ai commencé à la peindre il y a quelques années, quand je vivais sur le continent. Probablement parce qu’elle me manquait.
Je ne savais même pas que c’était la Corse ; je peignais de façon obsessionnelle de grandes maisons, et des escaliers. Et finalement je me suis aperçue que c’étaient les décors des villages, notamment le mien.
Aussi, je retranscrivais sur mes toiles beaucoup de récits que j’entendais quand j’étais enfant. Par exemple l’ochju, c’est un souvenir de ma toute petite enfance. On m’a emmené voir une personne qui pratiquait cette tradition. Je me souviens d’un couloir noir, d’une dame en noir, et tout cela est ressorti sous forme de tableau.
S.O. : Il y a un côté mystique dans vos tableaux, avec ces femmes sans visage.
M.S. : Cela s’est imposé à moi. Il peut y avoir un coté assez dérangeant, on me l’a parfois reproché. Mais je ne choisis pas ce que je peins. Je le ressentais comme cela. En ce qui concerne les tons, le sépia revenait souvent, peut-être parce qu’il s’agissait d’un passé lointain, de souvenirs. Surtout en ce qui concerne la Corse, mon ressenti n’était pas toujours très gai, en particulier à mes débuts. Maintenant les paysages que je retranscris sont beaucoup plus colorés, aujourd’hui je vis à Porto, et cette vie ici a changé les couleurs dans mon art.
S.O. : Vous peignez plutôt du figuratif ou de l’abstrait ?
M.S. : Souvent c’est issu de mon imagination, mes peintures sont souvent stylisées. Je suis mes désirs du moment, le figuratif c’est plutôt pour les paysages. Ils sont tellement beaux dans la région, mais je ne les retranscris jamais vraiment avec exactitude. Je ne m’installe pas avec mon chevalet sur le lieu, je garde une part d’imaginaire.
S.O. : Quelles techniques employez-vous ?
M.S. : J’ai testé toutes les techniques, mais aujourd’hui je peins à l’acrylique pour une question de praticité. Il est vrai que rien ne peut remplacer la subtilité de la peinture à l’huile, mais l’acrylique sèche vite et me permet de gagner du temps.
S.O. : Peut-on dire que vos peintures invitent au voyage et à la rêverie ?
M.S. : Oui, mais pas forcément à la rêverie « joyeuse ». Je m’intéresse beaucoup à la mythologie corse, on y trouve beaucoup de références à la mort. En ce moment par exemple je travaille sur les légendes, les mythes et les traditions locales. Il y en a une qui s’appelait « a forca » (la fourche). Quand quelqu’un mourait en dehors du village, pour le ramener, on le faisait tenir assis à l’aide d’une fourche, sur un âne. J’avais retrouvé un simple croquis dans un ouvrage et cela m’a fascinée, comme j’avais été fascinée par l’ochju. C’est la Corse qui jette un défi au sort. C’est passionnant. Mais je ne vous cache pas que peindre un mort sur un âne m’effraie, j’ai du mal terminer la toile. Ce sera donc le prochain défi !
Maa Subrini, hè una pittora d’arte isulana. A so pittura hè ispirata da sperienze cutidiane. Ci face scopre paesaghji, persunaghji, animali, fole di tempi fà… Dettu altrimenti, a cultura Corsa sottu à un stilu persunale, trà decori è asttrazzione.