Ghjuvan’Federicu Terrazzoni : Comment vous est venue l’idée de créer un film sur Pasquale Paoli ?
Rinatu Frassatti : L’idée m’est venue au début des années 2010. J’ai 25 ans à cette époque-là, je vis entre la Corse, Paris et l’Italie. Pour mes études et mon travail, j’ai vécu pendant près de quinze ans hors de l’île, j’y revenais fréquemment mais ce pas de côté m’a aussi permis d’adopter un autre point de vue sur la Corse, de prendre du recul. De réfléchir sur mon rapport à l’île, parfois conflictuel, toujours amoureux.
Et les écrits du jeune Bonaparte sur son rapport à l’île et notamment sur l’admiration qu’il portait à Paoli m’ont apparu comme étrangement modernes, comme s’ils avaient été écrits par un jeune corse d’aujourd’hui. Entre utopie et rêve. Une candeur qui allait, avec l’épreuve du réel, s’estomper. Mais je voulais explorer cette part de rêve et d’utopie qui me semble être présent depuis toujours dans nos psychés. Les Exilés venait de naître. Comment parler de mon rapport à la Corse au XXIème siècle ? En réalisant un film sur la Corse du XVIIIème siècle..
G.F.T. : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez Paoli en travaillant sur ce film ?
R.F : Forcément je pense d’abord à son sens aiguisé de la politique et son côté visionnaire. Son charisme également, que ce soit en Corse ou partout où il est passé en Europe. Son héritage politique enfin, qui a inspiré les principaux mouvements révolutionnaires de la fin du siècle. Il est toujours vertigineux de se dire que Bonaparte et Paoli ont vécu à la même époque, deux «titans politiques» ont cohabité et sont issus de la même petite île de Méditerranée.
G.F.T. : Quelle qualité de Paoli voudriez-vous que les spectateurs admirent après avoir vu le film ?
R.F : C’est ce que j’aimerais que les gens retiennent après avoir vu le film : se rendre compte ce qu’a enfanté la Corse et qu’ils aient l’envie de continuer l’exploration de Paoli comme du jeune Bonaparte, trop souvent éludé par son destin impérial qui va suivre.
G.F.T. : Quelle scène du film est votre préférée pour illustrer Paoli ? R.F : On m’a souvent parlé de la scène du discours qui est assez emblématique du Paoli à la fois martial, militaire même, mais aussi précurseur de valeurs démocratiques, encore tout juste embryonnaires à cette époque-là.
G.F.T. : Comment avez-vous travaillé avec les acteurs pour qu’ils incarnent authentiquement ces figures historiques surtout en ce qui concerne le discours et la gestuelle de l’époque ?
R.F : On a travaillé notamment sur le mélange des langues. Dans Les Exilés, on parle corse, italien, français et anglais. Mon père, Michel Frassati, a supervisé la partie en langue corse pour que l’on soit précis aussi sur les accents et les expressions en fonction de la région d’origine du personnage.
Sur la gestuelle, je ne voulais pas forcément qu’il y ait un réalisme précis par rapport à l’époque mais plutôt laisser une liberté de jeu aux comédiens.
G.F.T. : Une dernière question plus personnelle, avez-vous d’autres projets cinématographiques en cours ?
R.F : J’ai plusieurs projets en cours. Un long-métrage franco- italien déjà écrit mais qui a peiné à se financer depuis 2019, un 3ème court-métrage que j’espère tourner cette année ou l’année prochaine. Et j’entame l’écriture d’un nouveau long. Je n’ai pas l’envie ni la capacité pour développer des films à intervalles réguliers, je suis plutôt lent dans l’écriture. Je préfère tenter de développer une filmographie resserrée mais où chaque film que je serai parvenu à réaliser dégage quelque chose d’essentiel pour moi.
Rinatu Frassati hè un cineastu esigenti, arradicatu à i so loca è apartu à u mondu. Si servi di i so criazioni da visticà a so storia, a so lingua, è pona dumandi univirsali. V’eccu un assaghju d’un cuntrastu monda piacenti.
Testu : Ghjuvan’Federiccu Terrazzoni