16 octobre 2025

A castagna, l’oru moru di a Corsica

En Corse, la châtaigne n’est pas un simple fruit : elle est mémoire, symbole et identité. Introduit massivement au XVIe siècle, le châtaignier fut surnommé “l’arbre à pain”, car ses fruits ont nourri des générations entières lorsque les écoltes de blé faisaient défaut. En Castagniccia, dans le Niolu, l’Alta Rocca ou le Cap Corse, les châtaigneraies ont façonné les paysages et rythmé la vie des villages. À l’automne, la récolte mobilisait toute la communauté, les fruits étaient séchés dans les “secchere” puis transformés en farine. Cette ressource précieuse, longtemps appelée “l’aliment des pauvres”, a sauvé l’île de la famine et laissé une empreinte profonde dans l’histoire rurale corse.

Sapori, usi è rinascite

La châtaigne se décline sous toutes ses formes. Grillée au feu de bois ou bouillie dans l’eau, elle incarne la convivialité des veillées d’automne. En cuisine, elle accompagne le foie gras, la charcuterie, les volailles ou les viandes séchées, et parfume soupes, confitures et veloutés. Sa farine, fine et légèrement sucrée, est la base de pains, polentes, beignets, flans, tartes ou migliacci. Le plat traditionnel mêlant polenta de farine de châtaigne, figatellu, brocciu frais et oeuf au plat reste une expérience unique, mélange subtil de chaud et froid, de sucré et salé. Depuis 2006, la Farine de châtaigne corse – Farina castagnina corsa bénéficie d’une AOP, garantissant authenticité et savoir-faire. La châtaigne s’invite aussi dans les verres : bière, vin, liqueurs ou crème de châtaigne enrichissent l’offre gastronomique. Même les sangliers, friands de ce fruit, en imprègnent leur chair d’un goût singulier. Aujourd’hui, la production atteint environ 1 200 tonnes par an, dont 85 % destinés à la farine. La passion des producteurs a permis de redonner vie à ce patrimoine, malgré les épreuves du XXe siècle : exode rural, maladies comme le cynips, ou abandon des campagnes. Des foires et manifestations célèbrent chaque année ce fruit identitaire, dont la plus emblématique reste la Foire de la Châtaigne de Bocognano. Depuis 1982, cet événement attire plus de 20 000 visiteurs et réunit 150 producteurs et artisans dans un espace de 3 000 m². Concours de farine, conférences, démonstrations culinaires, animations pour enfants et concerts en font un rendez-vous incontournable, qui soutient la filière castanéicole et l’économie locale.

Un patrimoniu vivu è simbolicu

La châtaigne est bien plus qu’un aliment : elle est le lien entre l’homme et la terre, entre passé et présent. Arbre nourricier, il offre aussi un bois durable utilisé dans les charpentes et les tonneaux, tandis que ses feuilles et ses bogues avaient autrefois des usages domestiques et médicinaux. Aujourd’hui, au-delà de son rôle économique, la châtaigne est valorisée pour ses vertus nutritionnelles : riche en fibres, en protéines, en acides aminés essentiels et naturellement sans gluten, elle s’inscrit dans une alimentation saine et moderne.

Dans les villages corses, elle reste un symbole de partage et de tradition. Elle évoque l’odeur du feu de bois, les marchés d’automne et les recettes familiales. Préserver les châtaigneraies, c’est prolonger une histoire millénaire, sauvegarder des paysages uniques et transmettre aux générations futures un savoir-faire ancestral. Véritable or brun de l’île, la châtaigne incarne l’âme d’une Corse généreuse, enracinée et vivante. Elle est aussi un signe de résilience : malgré les maladies, les guerres et l’exode, les châtaigniers continuent de se dresser fièrement dans les vallées, témoins silencieux de la persévérance des hommes qui les cultivent. Chaque automne, lorsque les bogues éclatent et que les fruits tombent sur le tapis de feuilles mortes, c’est tout un rituel qui renaît : celui de la cueillette, du partage, de la transmission. La châtaigne est ainsi bien plus qu’un produit agricole : elle est une mémoire collective, une promesse d’avenir et une célébration de la vie insulaire, au rythme des saisons et des traditions.

Simbulu di l’identità corsa, a castagna fù per un tempu-longu « l’arburu à pane » di l’isula. Tracambiata in farina, in dulciumi o in liquori, ferma in core di e tradizione. Patrimoniu vivu, impersuneghja a mimoria, a generusità è a resilienza di a Corsica.

Testu : Orizonte

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