8 mars 2022

La bottarga en Corse

Spécialité culinaire du bassin méditerranéen, la bottarga est une poche d’œufs de mulets ou de thon rouge, salée et séchée. En Corse, les étangs de Palo (Solenzara), d’Urbino (Ghisonaccia et Aléria) et Chiurlinu (Furiani et Lucciana) sont les principales productions de la bottarga. Dégustée traditionnellement en apéritif en Haute-Corse, ce « caviar de Méditerranée » est aujourd’hui un met très convoité.

Un puntu storicu nantu à a bottarga

Plusieurs pays méditerranéens se disputent sa provenance. Mais les origines de la boutargue ou poutargue sont avant tout une affaire d’étymologie.

Le terme français « poutargue » serait le glissement actuel de la prononciation du mot « boutargue » qui est emprunté au mot provençal « boutargo ». Le vocable provençal donne naturellement son appellation italienne « bottarga » et est emprunté à l’espagnol « botagra », lui-même dérivé de l’arabe « bitârikha » issu du grec ancien. Bref, ce babélisme signifie simplement « oeufs de poisson salés ».

En France, on suppose que les Phéniciens l’ont commercialisée lors de la fondation du comptoir commercial à Marseille, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Le premier document évoquant la bottarga n’apparaît qu’au XVIe siècle sous la plume de Rabelais, qui donne la forme languedocienne avec -b dans son roman Gargantua. Ses premiers écrits laissent penser à une large diffusion de la bottarga.

En Corse, il est très probable qu’elle soit consommée dès l’Antiquité. L’existence d’étangs sur la côte orientale ainsi que le savoir-faire s’étant généralisé dans la région méditerranéenne suggère que sa production soit très ancienne sur l’île.

Da u stagnu à u piattu : fabricazione è cunsumazione di a bottarga

En Corse, la période de fabrication se situe entre juillet et septembre.On retrouve deux méthodes de pêche. Dans les étangs, les mulets sont pêchés à l’aide d’un filet qui sert à barrer les criques, la battuta et à l’aide de bordigues qui servent à garder les poissons. En mer, les pêcheurs pratiquent la paratura, une méthode de chasse qui permet d’encercler un banc de poissons à l’aide de deux bateaux pour les entraîner vers la côte.

S’en suit la fabrication délicate de la bottarga. L’extraction des oeufs est une étape cruciale dans laquelle la membrane très fine de la poche ne doit pas être déchirée. Rincées à l’eau froide, les poches sont ensuite salées durant environ deux à quatre heures, avant qu’elles ne soient séchées. Enfin, elles sont protégées et peuvent être conservées huit mois au frais. Bien que luxueux, à Bastia, on déguste la bottarga modestement en fines lamelles, avec une tranche de pain beurrée ou râpée, avec des spaghettis à l’huile d’olive et à l’ail.

Un alimentu di lussu

Le Sud de la France s’est spécialisé pour commercialiser une bottarga très haut de gamme. Et pour cause ! Cette ressource se raréfie. Les mulets sont victimes de la surpêche parce que la demande est croissante, à tel point qu’elle détrônerait presque le vrai caviar : les Japonais, qui l’appellent « karasumi », en raffolent. Il faut compter une centaine d’euros le kilo, même si la bottarga peut être vendue en petites quantités. Ce prix est justifié étant donné la complexité de sa capture : le rendement de la pêche aux mulets est très incertain et les femelles doivent produire une quantité suffisante d’oeuf pour les extraire, soit 250 g et douze ans de vie.

En Corse, la confection de la bottarga est de plus en plus difficile et la production ne satisfait pas suffisamment le marché insulaire. Cette problématique est un enjeu de taille pour les artisans corses. L’importation ou l’élevage de la bottarga sont envisagés, mais ces méthodes vont à l’encontre des techniques traditionnelles de production.

Les grands producteurs proposent donc souvent un panel de boutargues avec une large gamme de prix en rayon. Prenez garde à ne pas tomber sur de pâles copies étrangères…

A buttaraga hè una spezialità culinaria di u mediterraniu fatta da l’ove di mazzardi. Piscati principalamenti in i stagni di Palu è d’Urbinu è Chjurlinu, a buttaraga hè una robba di prima trinca, assai apprezzata in lu mondu sanu. Veru « caviale Bastiacciu », hè una scumessa maiò per l’artisgiani corsi, tantu in a so frabricazione chè a so cumercializazione.