18 juillet 2025

Antoine Marie Graziani

Antoine-Marie Graziani est un historien moderniste, professeur d’université et spécialiste reconnu de l’histoire de la Corse et de la Méditerranée. Il est l’auteur de nombreuses publications, notamment sur Gênes, Pascal Paoli et l’histoire urbaine de la Corse. Voici quelques courts extraits d’un entretien riche de savoir.

Ci pudete parlà di u vostru percorsu di sturianu ? Ci serà statu un evenimentu o un incontru significativu chì firmò a vostra vucazione ?

Mon parcours est assez classique, disons, pour un universitaire. Je suis devenu professeur d’université, et j’ai notamment œuvré au sein de la commission insulaire universitaire à Paris. La vocation d’historien s’est vraiment dessinée au travers de mes études et de mes engagements politiques de jeunesse. C’est ce qui m’a initialement poussé à m’intéresser particulièrement à l’histoire de la Corse. En travaillant sur l’histoire de mon île, mon champ d’intérêt s’est naturellement élargi à l’histoire de la Méditerranée, créant ainsi une dynamique constante entre ces deux domaines..

Site un spezialistu ricunnisciutu di storia corsa è mediterrania. Cumu s’hè svilluppatu st’intaressu particulare ?

Comme je l’évoquais, tout a commencé avec mes engagements politiques. En creusant l’histoire de la Corse, j’ai rapidement compris qu’elle ne pouvait être isolée. Il fallait la replacer dans son contexte méditerranéen. J’ai donc navigué entre ces deux échelles, avec un accent particulier sur Gênes. J’ai d’ailleurs eu la chance d’être à l’origine de la redécouverte des archives génoises, qui étaient, pour l’essentiel, assez mal connues des chercheurs. J’ai alors mis à la disposition de la communauté scientifique une série considérable de travaux, de publications de textes.

Avete dinò scrittu assai nantu à Genuva è a Corsica. Cosa hè, in quant’à voi, a natura più prufonda di sta relazione cumplessa è aspessu frasturnata ?

Ce qui me fascine le plus chez Paoli, c’est sa conviction profonde et constante que le bien commun, l’intérêt public, doit prévaloir sur les intérêts privés. Ces mots ‘commun’, ‘public’ reviennent inlassablement dans ses écrits et actions. Cela me paraît être l’élément le plus marquant du personnage. Ensuite, il y a une grande modernité dans sa manière de gérer le public, notamment la recherche de la proximité avec le peuple. Même si ce choix lui a été, d’une certaine manière, rendu obligatoire car il ne détenait pas les leviers de l’État par la force, cette quête de proximité reste un élément essentiel, résonnant encore fortement aujourd’hui. Mon travail sur Paoli est d’ailleurs venu assez tardivement, après beaucoup de recherches sur Gênes. C’est la rencontre avec Dorothy Carrington qui a été l’élément déclencheur ; elle m’a encouragé à me pencher sur ce personnage. Depuis, avec mon collègue Carlo Bitossi, nous poursuivons la publication de la correspondance de Pascal Paoli, un travail monumental engagé par des universitaires italiens dès 1935, et nous en sommes actuellement au neuvième volume.

Avete dinò scrittu assai nantu à Genuva è a Corsica. Cosa hè, in quant’à voi, a natura più prufonda di sta relazione cumplessa è aspessu frasturnata ?

La relation entre Gênes et la Corse est complexe et souvent mal comprise. Il faut bien faire la distinction entre la République de Gênes et les Génois en tant qu’individus ou familles. Gênes est avant tout une puissance financière de premier plan au XVIIIe siècle, une ville extrêmement riche. Les Génois en tant que commerçants, banquiers, pouvaient être bien plus influents que la République elle-même. Par contre, la République de Gênes est un État léger, un gouvernement faible, avec des moyens très limités. Elle n’a ni armée puissante ni marine d’envergure. Il n’y a pas, du côté génois, une véritable capacité à comprendre ce qui se passe en Corse. Les Génois considéraient souvent les Corses comme des adeptes de ‘nouveautés’, leur manière de se gérer ne correspondant pas à leurs attentes. Le gouvernement génois était trop éloigné des réalités et des intérêts des Corses. Bizarrement, malgré une proximité géographique, c’est un gouvernement qui s’intéressait finalement assez peu à la Corse. La plupart du temps, ce sont les Corses qui se géraient eux-mêmes. C’est cet éloignement qui est, à mon avis, l’élément le plus marquant de cette relation.

E vostre ricerche anu palisatu aspetti spessu scunnisciuti di a storia corsa. Ci serà un’opera o una scuperta in particulare chì vi rendessi fieru ?

J’ai eu plusieurs approches dans mes travaux. D’abord, faire découvrir les archives, notamment les archives génoises, en mettant à disposition un grand nombre de pièces pour les chercheurs. J’ai aussi abordé l’histoire urbaine avec des ouvrages sur Bastia, Sartène, Porto-Vecchio, et deux sur Ajaccio. Et puis, il y a les biographies : le roi Théodore, Andrea Doria, et bien sûr Pascal Paoli, dont la biographie en est à sa troisième édition. Si je devais retenir un ensemble, je dirais que la fierté se porte sur «La Geste du Peuple». Ce qui m’intéresse le plus dans cet ouvrage, c’est d’avoir pu comprendre véritablement la société corse, comment elle fonctionne. Mon objectif a toujours été de rendre visibles les travaux de recherche, ce qui passe aussi par la réalisation de catalogues d’expositions, comme ceux pour Pascal Paoli, Napoléon et la Corse.. C’est une manière de faire rayonner l’histoire.

 

Testu : Florian Sauvaget

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