ZITIDDINA
Ghjuvan’Andrìa, unique fils de Dumenicu Culioli et Santina Maisetti, vit le jour le dix février 1884, au cœur d’une société rurale fortement attachée à des traditions immémoriales. Son père était bouvier, il menait une vie éreintante, une vie de labeur qui le gardait hors de la maison de l’aube au crépuscule. Le jeune Ghjuvan’Andrìa était un enfant qui très tôt a su démontrer une facilité déconcertante et une maîtrise hors du commun pour la versification et le chant, ainsi que des facilités artistiques innées. Malgré la misère commune, le fait d’être le seul garçon de ses parents, ce qui était peut courant à l’époque, lui conférait une position de privilégié vis-à-vis de ses camarades, et bien que doué à l’école et notamment en français et en écriture, son séjour à l’école fut de courte durée. À 14 ans, il embrassa la profession de son père, juste avant son certificat d’études. Marié à 15 ans, à une jeune fille de son âge, il connu rapidement son premier deuil, avec la mort de celle-ci et de son bébé en couche. Suite à cette tragédie quelques années plus tard, il épousa en seconde noce Maria, qui donna naissance à 3 enfants dont un disparaîtra aussi.
U MACEDDU MUNDIALI
Âgé de 30 ans, Ghjuvan’Andria fût mobilisé au front, lors de la totalité des affrontements et il combattit dans plusieurs points névralgiques du nord et de l’est de la France, où il fut confronté à l’effroi des tranchées et des champs de bataille, qui lui inspirèrent un chant sur les massacres de Saint-Dié, en reprenant l’air du Dies Irae ainsi que des textes et chansons humoristiques sur un ton plus léger, et une composition sur une certaine Madeleine du village de Saint Blaise. De retour du front, Ghjuvan’Andrìa perdit sa seconde épouse et durant l’entre-deux guerre, il épousa en troisième noces, Lucia. De cette union naquirent 4 enfants, dont un qui mourut accidentellement à l’âge de 11 ans et Ghjuvan’Andria, digne dans le plus cruel des instants, fit raisonner sa voix grave en chantant lui-même la messe d’obsèques de son fils dans la petite église de Chera.
A PULITICA
Ghjuvan’Andria, fut depuis toujours un fervent partisan de la famille Rocca Serra. Il en devint même le poète attitré, qui chanterait les louanges du parti et enfoncerait sans compassion les pauvres concurrents, avec des rimes caustiques et acérées, devenant par sa finesse et son art de manier la satyre, le héro incontesté des joutes politiques. De nombreuses tirades sont encore présentes dans les mémoires de la cité du sel, ou du village de Sotta, dont il fit longtemps les éloges.
SÈ MI CHJAMI TI RISPONDU
D’une répartie sans pareille, il excellait dans l’art du chjam’è rispondi, premièrement dans les villages environnants lors de fêtes patronales. Véhiculé par des membres de sa famille, il participa ensuite à d’innombrables joutes oratoires aux quatre coins de l’île, ainsi que sur le continent, sévissant de sa rime précise et ciselée avec maîtrise, portée d’une voix puissante et s’opposant avec brio aux ténors de l’époque comme Pampasgiolu, U Maghjurellu ou Minellu pour ne citer qu’eux.
En 1963, il fut aussi enregistré par Félix Quilici le fameux ethnomusicologue, qui arriva à une heure très tardive sans l’empêcher pour autant de livrer au saut du lit, une remarquable improvisation à ses hôtes, qui furent ébahis par une telle dextérité poétique. Il composa de nombreux chants, ou il relatait la rude vie des « buiatteri » ou alors faisant parler les vieux ustensiles dans « i vechji bascheri » ou les exploits de sa « a sgiucca » ou « i quartiera » ou il énumère les différents hameaux qui séparent Chera de Sotta. Mais la plus connue d’entre toutes restera « L’Oriu di Chera » qui évoque cette maison troglodyte, berceau séculaire des Culioli, nichée sur un promontoire surplombant l’horizon.
A FINI ‘LLU VIAGHJU
Ghjuvan’Andria Culioli, s’est éteint le 2 février 1972 à l’âge de 88 ans, laissant derrière lui de nombreuses chansons écrites de sa main où transmises de bouche à oreille, ainsi que des souvenirs de famille, tel un héritage incommensurable aux générations futures.
Toujours d’un tempérament jovial et affable, il sut se servir du chant et de la rime, pour s’extraire à la dureté de sa condition. Il fut et restera le barde et un des plus remarquables poètes de l’île, il était la poésie personnifiée.
Di rinomina senza paru, Ghjuvan’Andrìa Culioli dittu « u barbutu di Chera » fù un pueta impruvisatori di prima trinca chì si feci valè mentri tutti i fieri di Corsica. Hà cumpostu parichji puisii è canzoni, è firmarà pà sempri com’è unu di l’anfarti maestri isulani.