En une nuit pendant le siège de 1420, les soldats du Roy d’Aragon creusèrent dans le dur calcaire bonifacien, un escalier de 187 marches. Incroyable non ? C’est ce que dit la légende.
En cette fin d’année 1420, toute la Corse est aragonaise ; toute ? Non, une ville résiste encore à l’envahisseur. Sans potion magique, les valeureux habitants de Bunifaziu tinrent tête à Alphonse V, ce jeune roi de la dynastie des Trastamare qui s’était mis en tête de terminer la conquête de son royaume. Le Regnum Sardiniae et Corsicae qui avait été créé et donné en fief perpètuel à Jacques II d’Aragon en 1297 par le pape Boniface VIII. Alphonse V s’engagea personnellement avec des moyens importants, aidé par son lieutenant le comte de Corse Vincentellu d’Istria (qui avait reçu le titre de vice-roi de Corse). Sa flotte et ses galères, après avoir maté une révolte en Sardaigne, quittèrent Alghero le 15 juin 1420, mirent le cap sur Calvi qu’ils assiégèrent le 4 octobre 1420.
La place forte de Calvi finit par se rendre. Puis ce fut le tour de Bunifaziu à partir du 21 octobre 1420, les bombardes avec un bruit assourdissant qui terrorisent la population, tirèrent leurs boulets contre la porte d’entrée et les murs de la citadelle. Après une résistance héroîque, le siège est finalement levé le 7 janvier 1421.
Entre légende et réalité, que savons-nous ?
Déjà en 1920, Charles Ferton (1) remet en question cet exploit, il écrit qu’une faille naturelle devait déjà exister et qu’un chemin était utilisé par les habitants pour arriver à une source, d’où suinte de l’eau de la nappe phréatique de l’actuel puits Saint- Barthélémy. Il relève la présence de dépôts de coquillages et d’obsidienne, qu’il interprète comme des restes de repas des hommes du néolithique. Depuis, dans le doute, on émet des hypothèses : ce serait une réalisation des moines franciscains, ou bien des habitants eux-mêmes.
Et si c’était une entreprise de maçonnerie qui l’avait réalisé ?
Antoine Franzini (2) nous apprend que les maîtres maçons (Maestri) Clemens Colarea di Riparolio et Paolo di Brea sont cités dans un contrat pour la construction d’un escalier reliant le château à la mer. C’est donc dans les années 1480/1482 que des entreprises réalisèrent la reconstruction du château et la réalisation de l’escalier descendant à la source. Soixante années après le siège aragonais… ! Mais tout ceci doit rester secret, la légende est tellement plus belle…
On imagine les soldats du Roy tailler les 187 marches en une seule nuit. On ne peut que rester béats et respectueux devant un tel exploit !
(1) Ferton Ch. L’escalier du Roi d’Aragon à Bonifacio (Corse). In: Bulletin de la Société préhistorique de France, tome 6, n°5, 1909. (2) Antoine Franzini, La Corse du XVe siècle (14331483). Politique et société, Ajaccio, Éditions Alain Piazzola, 2005, p. 433.
Remerciement pour l’aide précieuse apportée par Antoine Franzini et Philippe Colombani.
In u 1420 mentre l’assediu di Bunifaziu, i suldati di u Rè Aragunese zucconu 187 scalini in una notte. L’affare ùn pare vera… Serà una fola ? una lighjenda ? Serianu i frati di u cunventu di San Francescu ch’averianu sculpitu i scalini per fallà à a surghente d’acqua chì sgotta da a nappa freatica sottu à u boscu, u locu induve oghje ferma u pozzu « Saint Barthélémy. » È s’ella fussi stata un entrapresa ? Grazia à l’aiutu di i nostri amichi prufessori sturiani Filippu Colombani è Tony Franzini, chì ci anu indittatu i ducumenti, avemu a prova chì a ricustruzione di u Castellu accant’à u turrione è i scalini funu l’opera di Maestri muratori in lu quindicesimu seculu.
Testu : Marcel Montisci